Une enquête sur la parentalité des adultes atteints de dyspraxie ou trouble développemental de la coordination (TDC) a été réalisée par l’association Dyspraxie France Dys (DFD) et plus précisément par un groupe de travail constitué essentiellement d’adultes concernés.

(Vous pouvez télécharger le fichier en pdf ici)

I. PRESENTATION DES PROFILS

I.1. Les adultes concernés

Parmi les 95 répondants, 64% d’entre eux ont entre 26 et 45 ans.

Les femmes représentent 75% des profils. 69% des personnes ayant répondu disent être porteurs d’au moins un autre trouble du neurodéveloppement, en plus du TDC.

L’autre trouble n’est pas toujours précisé. La dyslexie est citée par 29% des profils combinant un autre trouble et le TDC (Cf. Tableau 1). 85% des répondants vivent dans un logement indépendant (15% vivent chez leurs parents). 58% sont en couple.

I.2. Les conjoints des adultes concernés

Parmi les personnes ayant indiqué être en couple, 15% ont signalé avoir un conjoint également atteint d’un TDC. 11% ont indiqué ne pas savoir.

I.3. Situation actuelle par rapport à la parentalité

Sur l’ensemble des personnes ayant participé à cette enquête, 54% ont indiqué être déjà parents. 22%, ont indiqué envisager devenir parent dans le futur. 16% hésitent fortement à le devenir et 8% ont renoncé à devenir parent (ce choix est indépendant d’un choix de vie ou d’une raison médicale).

II. PROFILS DEJA PARENTS

Parmi les profils déjà parents, 39% ont indiqué que le TDC est le trouble du neurodéveloppement qui les gêne le plus dans le rôle de parent.

Le TDC n’est pas toujours pénalisant puisque 14% des profils déjà parents, pourtant atteints d’un TDC ont dit n’être gênés par aucun trouble du neurodéveloppement (cf. Annexe 1).

Une même question a été posée aux parents pour connaitre les domaines dans lesquels ils rencontraient des difficultés pour s’occuper de leur bébé, de leur enfant dans son suivi scolaire, dans ses activités de loisir et dans sa vie quotidienne.

Que ce soit pour un bébé ou pour un enfant (suivi scolaire, activités de loisir ou vie quotidienne), la gestion de la fatigue des parents porteurs d’un TDC ressort comme étant la principale difficulté rencontrée. La gestion du temps est également soulignée dans plusieurs situations (cf. Tableau 3).

*NB : Aide à la lecture des pourcentages : La gestion de la fatigue a été citée comme étant la principale difficulté par 45% des profils ayant répondu à la question « quelle est la principale difficulté que vous rencontrez pour vous occuper de votre bébé ». 

Dans le cas des parents ayant en charge un bébé, certains domaines ne représentent pas ou peu de difficulté. C’est par exemple le cas pour les actions « donner à manger à son bébé » et « mettre des couches » (cf. Figure 1). 

D’autres résultats sur les difficultés rencontrées selon les différents cas de figures sont disponibles en annexes 2, 3 et 4.

Parmi les profils déjà parents, 73% d’entre eux ont mis en place des astuces pour atténuer leurs troubles dans le cadre de leur rôle de parents :

  • Plannings à la semaine, to do liste, notifications sur téléphone ;
  • Aide du conjoint et/ou de l’enfant, report sur le/la conjoint(e)e) ;
  • Ruses pour ne pas faire certaines tâches ;
  • Tutoriels pour aider à certaines tâches, conseils d’autrui ;
  • Aide par des professionnels (aide aux devoirs, femme/homme de ménage), aide familiale ;
  • Covoiturage ;
  • Change du bébé au sol ;
  • Essayer d’avoir du temps pour soi pour récupérer de la fatigue.

III. PROFILS QUI NE SONT PAS PARENTS

Des craintes partagées

Les mêmes questions ont été posées aux profils suivants :

  • Vous envisagez dans le futur de devenir parents ;
  • Vous hésitez fortement à devenir parents ;
  • Vous avez renoncé à devenir parents (en dehors d’un choix de vie ou d’une raison médicale).

Pour ces trois profils, diverses craintes sont partagées (cf. Tableau 4). Quel que soit le profil, les principales craintes qui ressortent sont :

  • Crainte de transmettre à votre enfant le trouble ou les troubles dont vous êtes atteint(e)
  • Crainte de ne pas être à la hauteur pour vous occuper de votre bébé
  • Crainte de ne pas parvenir à lâcher prise face aux imprévus de la vie de parents
  • Crainte de ne pas parvenir à gérer vie professionnelle et vie de parent
  • Crainte de ne pas parvenir à gérer la fatigue
  • Crainte de ne pas être à la hauteur de façon générale

Nous remarquons que la gestion de la fatigue, évoquée comme une difficulté chez les adultes déjà parents, ressort également ici comme une crainte principale, quel que soit le profil des adultes actuellement non parents (envisagent, hésitent, renoncent). 

La crainte de transmettre le trouble est bien présente. 63% des personnes qui ont renoncés à devenir parent l’ont énoncé comme une crainte pouvant expliquer leur décision.

Le lâcher prise face à la gestion des imprévus liés à la vie de parents apparait également comme une crainte citée respectivement par 48%, 47% et 50% des profils.

L’articulation entre la vie professionnelle et personnelle est également ressortie quel que soit les 3 types de profils parmi les adultes qui ne sont actuellement pas parents. 

10% des profils qui envisagent de devenir parents disent n’avoir aucune crainte.

25% des profils qui ont renoncés à devenir parents ne savent pas expliquer ce choix.

Il peut être intéressant de souligner que l’ensemble de ces craintes (exceptée celle liée à la transmission du ou des trouble(s)) peuvent tout à fait être ressenties par des adultes non atteints d’un TDC.

*NB : Aide à la lecture des pourcentages : La gestion de la fatigue a été citée comme une crainte par 57% des profils qui envisagent de devenir parents

Pour les profils qui ont renoncés à devenir parents, nous avons posé la question suivante : « Si un meilleur accompagnement à la parentalité était réalisé (ou l’avait été), pourriez-vous (ou auriez-vous pu) changer d’avis ? ». 63% des profils concernés par cette question ont répondu « je ne sais pas ». 25% ont répondu « Non » et 13% ont répondu « Oui ». L’accompagnement ne semble pas suffire à lever les craintes. Une autre possibilité serait que les craintes énoncées ne sont pas les principales raisons de la décision de ne pas devenir parents.

IV. AIDES PROFESSIONNELLES ET RÔLE DE DFD

Quel que soit le profil des répondants, des questions au sujet d’aides professionnelles et du rôle de DFD ont été posées (plusieurs réponses possibles).

L’aide d’un(e) ergothérapeute a été citée par 60% des profils et semble être l’aide la plus attendue et adaptée pour l’apprentissage des gestes spécifiques à la parentalité.

Le soutien psychologique par un professionnel connaissant la TDC est également cité par 44% des profils. 

Une aide dans la gestion administrative que peut engendrer l’arrivée d’un enfant a été cité par 25% des profils. Notons aussi que 15% des profils ont indiqué n’avoir besoin d’aucune aide professionnelle particulière (cf. Figure 2).

Parmi les autres aides professionnelles citées, nous retrouvons :

  • Psychomotricien et/ou neuropsychologue ;
  • Aides financières pour faire appel à des aides extérieures professionnelles ;
  • Systèmes de garde partagée basée sur l’entre-aide.

Certains profils soulignent la non prise en charge en tant qu’adulte sous prétexte de ne pas être pris au sérieux lorsqu’ils ont eu une bonne scolarité. De même, lorsque l’enfant et un parent sont tous les deux atteints d’un trouble du neurodéveloppement, il y a besoin d’un relai pour accompagner l’enfant.

Concernant l’attente des répondants vis-à-vis d’une association comme DFD, la mise en relation avec des adultes avec TDC pour des échanges privés sur la parentalité ressort comme attente principale puisqu’elle a été citée par 68% des profils. La mise en place de groupes de paroles pour profiter de l’expérience de parents dyspraxiques qui ont un enfant dyspraxique est également une attente qui ressort pour 53% des profils. Il semble y avoir un besoin de discussion commune entre adultes personnellement concernés par le TDC.

 A noter cependant que 13% des profils n’ont aucune attente de ce point de vue-là (cf. Figure 3).Parmi les autres attentes énoncées, la mise à disposition de ressources et des témoignages (podcasts, vidéo, articles…) ressort principalement.

Un guide des écoles et des centres certifiés pour accueillir les enfants dyspraxiques et qui rassemble les démarches efficaces administratives pour les aider a été proposé comme une ressource à créer.

Enfin, quelques questions ont été posées et pourraient donner lieu à des discussions communes : Comment mieux organiser son quotidien et le mettre en application ? Comment mieux développer les compétences sociales ? Comment cibler et développer ses forces lorsque que nous avons un TDC ?

CONCLUSION

Cette enquête exploratoire, la première de son genre en France sur la parentalité des personnes avec trouble du développement de la coordination (TDC), révèle des aspects significatifs du vécu des adultes concernés. Les résultats montrent que les adultes avec TDC rencontrent divers défis lorsqu’ils exercent des responsabilités parentales, notamment en termes de gestion du temps, de la fatigue, et des tâches administratives.

Un point particulièrement notable est la crainte exprimée par les personnes avec TDC qui n’ont pas d’enfants. Elles évoquent une inquiétude marquée concernant la transmission du TDC à leurs futurs enfants. Cette appréhension est accentuée par le manque de données bibliographiques claires établissant un lien génétique définitif pour ce trouble. En l’absence de preuves solides sur la transmissibilité génétique du TDC, il est compréhensible que ces craintes persistent, bien que non corroborées par des recherches spécifiques. Ces préoccupations soulignent la nécessité de mieux comprendre la relation entre les facteurs génétiques et environnementaux dans le développement du TDC.

L’étude a également mis en lumière que certains adultes avec TDC choisissent de ne pas avoir d’enfants en raison de ces préoccupations, ainsi que d’autres facteurs tels que la peur de ne pas être à la hauteur et la difficulté à gérer les imprévus.

Les résultats de l’enquête suggèrent que les défis rencontrés par les adultes avec TDC pourraient, dans une certaine mesure, se retrouver dans la population générale. Une enquête complémentaire, incluant un groupe de contrôle constitué d’adultes sans TDC, permettrait de différencier les facteurs spécifiquement liés au TDC de ceux qui sont communs à la population en général.

Notre étude a révélé que les adultes avec TDC expriment un besoin marqué d’accompagnement professionnel pour faire face à la parentalité. Ils souhaitent bénéficier du soutien d’ergothérapeutes pour les gestes quotidiens, de psychologues pour un soutien émotionnel, et d’assistants sociaux pour la gestion administrative. Le groupe de travail a identifié des structures et associations existantes susceptibles de fournir cet accompagnement.

En outre, les participants ont exprimé le désir d’être connectés avec d’autres personnes ayant un TDC, et ont sollicité la mise en place d’un groupe de parole par l’association DFD, afin de partager leurs expériences et défis.

Cette première étude constitue un pas important pour reconnaître et comprendre l’impact du TDC sur la parentalité et le désir de devenir parent. Elle met en lumière les besoins spécifiques des adultes avec TDC et la nécessité de futures recherches pour approfondir ces questions. DFD encourage vivement la poursuite de recherches sur ce sujet afin de mieux cerner les impacts du TDC et de promouvoir des actions publiques adaptées.

Les résultats détaillés de notre enquête sont disponibles en annexes, et une table ronde sur le sujet, réalisée le 27/04/2024, peut être visionnée via le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=8WYENiPdydU

ANNEXES